Marie-Blanche Rossi

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Les filles de l’air

Ce projet à plusieurs phases s’est étalé sur quelques années avant de finalement voir le jour en 2023. Le temps que j’y ai consacré a été l’occasion d’explorer diverses formes de narrations tout en continuant la fouille méticuleuse débutée en 2020 autour de la recherche de souvenirs personnels échappés ou insignifiants, mais qui mis bout à bout, révélaient un nouveau sens de la réalité. Après avoir exploré l’aspect cinématographique et celle de la forme traditionnelle du livre, le projet prend sa forme complète et l’entièreté de sa signification au travers d’une expérience interactive dont l’objet du livre est l’élément central de diffusion. Sous la forme d’une installation interactive, le livre est présenté sur une table, dans un espace intimiste, et invite le lecteur à entrer dans sa découverte. Au fil de l’expérience linéaire de lecture, le lecteur voit de nouvelles relations narratives s’offrir à lui, grâce à la vidéoprojection des images sur le papier, connectée à ses gestes. Fixes, animées ou accompagnées de son, elles viennent apporter un nouveau regard sur l’expérience de lecture et accompagnent le lecteur dans l’exploration de l’histoire.

Véritable quête identitaire, «Les filles de l’air» est un projet personnel traitant de la notion de migration. Liant des inspirations personnelles et un ressenti datant de l’enfance, le livre se nomme ainsi en rapport aux plantes dont les racines poussent à l’extérieur de la terre. Le sujet du livre d’artiste tente ainsi d’exprimer une impression tenace datant de l’enfance qui m’a toujours fait croire que nous vivions, ma famille et moi, un peu en retrait du jeu qui se donnait en avant plan de la scène. Un peu ici, pas tout à fait là, nous vivions des expériences et nous nous construisions une place particulière dans le monde. Une place que j’apparenterai à celle d’une forme de nomadisme. En utilisant le procédé de la réminiscence en tant que processus cognitif, j’observe ainsi mon parcours d’immigrante et tente d’en faire émerger de nouvelles compréhensions possibles. L’installation interactive développée prend alors la forme d’un objet mental qui, par sa forme et les médiums qui le composent, illustrent un état de rêveries entrecoupés de brefs moments de lucidité. Fixés sur le papier grâce au texte, les moments de clarté laissent place au flou et à la rêverie des images diffusées en vidéoprojection. Au travers de cette technologie, j’illustre le processus mental de la réminiscence des souvenirs, aussi complexe qu’insaisissable.

Le support du livre traditionnel, très souvent présent dans mes projets, représente pour moi un médium de prédilection me permettant de faire dialoguer plusieurs technologies actuelles. Au travers de différents travaux, j’opère en une déconstruction de la notion du livre que j’enrichis de nouvelles couches d’informations telles que le son, les images fixes ou animées. Par cet exercice, je tente d’amener le lecteur au delà de sa connaissance traditionnelle du livre. L’objectif est de démultiplier l’expérience de lecture et de générer de nouvelles réflexions autour des médiums qui le composent mais également de son usage. Explorer de nouvelles formes de narrations pour observer et changer notre rapport au livre est au cœur de ma démarche artistique. En faisant découvrir de nouvelles histoires, racontées autrement, j’ouvre également la porte de l’imaginaire du lecteur, et tente de l’amener vers la découverte de nouvelles personnalités, aux histoires et aux expériences multiples.